Nous publions ci-dessous un travail sonore réalisé par Marc Namblard guide naturaliste et audio naturaliste qui a construit ce document sonore avec des enregistrements qu'il a effectués dans le massif des Vosges pendant les quatre saisons.
Les textes d'accompagnement sont de Marc Namblard.
Mettez un casque, et préparez-vous à vivre une expérience inoubliable, écoutez la nature déployer sa magnificence dans vos oreilles.
Prises de son et montage réalisé par Marc Namblard, www.promeneursecoutant.fr, tous droits réservés.
Vosges, le silence en péril
La pièce sonore partagée dans cet espace d'écoute n'est pas «réaliste» : si elle devait refléter la réalité objective de l'environnement sonore vosgien, il y a fort à parier qu'au bout de quelques minutes, vous enlèveriez votre casque... car notre beau massif baigne aujourd'hui dans une rumeur anthropique presque incessante, en raison notamment d'une forte fréquentation motorisée sur les très nombreux axes routiers (jusque dans les espaces les plus sensibles) et d'un trafic aérien modéré à intense.
Depuis plusieurs décennies, le bruit est une préoccupation présente dans nos villes. La réglementation reconnaît cette préoccupation par une série de seuils de niveau sonore à respecter, afin de protéger, au minimum, la santé des habitants... Mais cette considération s'estompe au fur et à mesure que nous nous éloignons des grandes agglomérations. Dans l'esprit de beaucoup de gens (dont des décideurs), la campagne est forcément calme. Et lorsqu'elle devient bruyante, qui cela peut-il bien déranger ?
Ce n'est pas tomber dans l'écologie profonde que de constater que les textes de loi sur le bruit ne se préoccupent que des humains... alors que des études inquiétantes consacrées à l'impact des nuisances sonores sur les espèces animales et les écosystèmes (marins et terrestres) s'accumulent à travers le monde...
Quand bien même il est difficile à nous seuls de changer cet état de fait, nous, amoureux de la nature de tout poil, avons également le devoir de sensibiliser le public et les élus aux problèmes de pollution sonore qu'occasionnent nos activités sur le territoire. Telle est aussi la finalité de cet espace d'immersion sonore...
Quelques mots
sur ce que vous écoutez...
Le texte ci-dessous présente les principaux acteurs sonores que vous rencontrerez. Libre à vous de vous y référer ou de l'ignorer si vous préférez laisser libre cours à votre imagination...
• Frémissements printaniers (env. du début à 03'30"). Une vague de perturbations océaniques radoucit l'atmosphère et provoque la débâcle des lacs glaciaires. Grenouilles rousses et Crapauds communs sortent de leur torpeur hivernale pour rejoindre les sites de reproduction délivrés du gel et de la neige...
• Hêtraie-sapinière au printemps (env. de 03'30" à 7'00"). Dans la forêt, l'appétit sexuel et territorial des oiseaux se réveille. Le Roitelet huppé inspecte les rameaux des conifères en lançant sa délicate ritournelle acidulée. Mésange noire, Pouillot siffleur et Pinson des arbres se mêlent à la danse. Au premier plan, un Pic noir tambourine une branche morte, particulièrement sonnante, alors qu'un Coucou gris s'égosille au loin dans la canopée et qu'un Chevreuil, inquiet, s'enfuit bruyamment...
• Journée chaude sur les hautes-chaumes (env. de 7'00" à 12'00").
Depuis plusieurs semaines maintenant, le petit peuple de l'herbe (criquets et autres sauterelles) stridule d'extase, tel l'impressionnant Barbitiste ventru. En milieu d'après-midi, sous l'effet d'une chaleur particulièrement marquée, un orage de convection se forme rapidement au-dessus d'un cirque glaciaire.
Buses variables et Grands corbeaux profitent des mouvements ascendants de l'air. Un Pipit farlouse et quelques criquets se risquent encore à chanter sous les premières gouttes alors que les coups de foudre s'approchent dangeureusement...
• Fin d'été en forêt (env. de 12'00" à 14'30"). Le sous-bois s'enchante de rondes de mésanges fébriles, de geais railleurs et de myriades d'hyménoptères en quête de proies et de miellat. Un Pic noir tout proche lance son cri de vol (krukruu...) et marque sa présence territoriale par ses cris stridents caractéristiques. À l'approche du crépuscule, de gros mammifères coiffés, magnifiques, se manifestent lourdement...
• Les cerfs des faignes (env. de 14'30" à 20'00"). Nous sommes dans les derniers jours de septembre. Le goût épicé de l'automne vosgien s'empare de l'ensemble de nos sens. C'est le faîte du brame des cerfs. Une expression puissante de ce qui reste de sauvage dans notre monde occidental. En lisière de forêt, une harde de sangliers fouille le sol en quête de pitance puis s'évanouit...
• ...vers l'hiver (env. de 20'00" à la fin). Frémissements de neige sur les feuilles marcescentes. Deux grands canidés traversent rapidement le sous-bois... Plus haut : première véritable tempête de neige sur les Hautes-Chaumes. Plus bas : les lacs gèlent, crissent, détonnent... alors que le chant de la petite Chouette de Tengmalm résonne dans la pureté de la nuit...