Cette année encore, et cela dans la continuité des années précédentes, on constate une diminution sensible des plants d’arnica sur les sites de cueillette autorisées des hautes chaumes.
Une communication récente du Parc prétend avoir identifié le coupable. Ce serait le réchauffement climatique.
Cette allégation administrée dans l’ignorance volontaire d’autres facteurs locaux a soulevé une vague d’indignations de la part de petits cueilleurs locaux et de botanistes spécialistes de la flore du massif vosgien. Nous comprenons la difficulté pour eux d’exprimer ouvertement cette indignation, notre association s’est par conséquent saisie de cette question comme elle l’avait fait il y a trois ans, sur le même sujet.
Tout d’abord réglons son compte à l’argument du réchauffement climatique. Pour se convaincre que celui-ci ne porte qu’une partie de la responsabilité, il suffit de savoir qu’en France on trouve l’arnica dès 600 mètres d’altitude, il y a donc de la marge au Markstein, mais surtout il suffit d’observer l’abondante floraison sur les chaumes protégées de la cueillette industrielle et des pratiques agricoles inappropriées. On peut également observer, ici et là, certains des talus de la route des crêtes couverts de fleurs et notamment d’arnica, la floraison cessant brusquement au-delà du talus ! Les effets du réchauffement climatiques s’ils sont bien réels, s’appliquent sur l’ensemble du massif, et ne peuvent présenter des variations d’une telle ampleur à quelques mètres de distance.
Qu’en est-il en réalité de la situation de la biodiversité sur le massif, car c’est de cela qu’il s’agit ; la disparition de l’arnica sur certaines zones est ici le signe d’une dégradation inquiétante de la biodiversité. Si l’arnica disparaît, d’autres plantes des sols pauvres et acides disparaîtront également : elle est indicatrice de l’évolution des milieux ouverts vosgiens. Ce processus est déjà très avancé à de nombreux endroits, transformant les sommets vosgiens autrefois colorés et odorants, riches de plantes variées en espace de culture à foin uniforme. Sont en cause ici, les pratiques agricoles inappropriées que sont par exemple l’apport de chaux ou d’autres produits alcalinisant, permettant de favoriser une végétation plus grasse et de convertir les landes d’altitude en prés de fauche. Ces prairies artificialisées sont alors expurgées des plantes typiques des Hautes-Vosges dont l’arnica fait partie. Ces pratiques agricoles doivent être rapportées à la situation qui est faite à l’agriculture de montagne, confrontée comme la plupart des activités agricoles à une course en avant à la productivité, et mise dans l’obligation d’utiliser toujours plus d’intrants pour produire toujours plus. Elles sont également le fruit de l’artificialisation croissante des sols en plaine et la disparition concomitantes des prairies de fauche, processus qui participe de la même logique.
Après les pertes subies au Steinlebach ou au Kastelberg (Alsace Nature, 1994), pelouses et landes d’altitude subissent de nouvelles pressions. La régression de l’arnica suit celle de la pelouse à Nard raide dont la plante est constitutive (Guide phytosociologique des prairies du massif des Vosges, 2017). La dérive et la transformation en pâture de cette pelouse procèdent principalement des pratiques agricoles pointées plus haut.
La flore typique des hautes chaumes semble désormais reléguée aux talus routiers et aux rares sites efficacement protégés, exempts d’apport d’engrais et de chaulage. On y trouve des plantes menacées en Alsace et/ou en Lorraine, dont des relictuelles uniques du massif (Carbiener, 1966) : Anémone d’Autriche, Lycopode des Alpes, Orchis blanchâtre, Pensée des Vosges, Sélin des Pyrénées…
Faut-il souligner l’immense responsabilité du Parc dans ces pratiques ? Non seulement, il ne s’oppose pas mais il les justifie le plus souvent. Or, le PNRBV est la structure animatrice et protectrice du site Natura 2000 « Hautes-Vosges » qui englobe la crête principale des Vosges et dont les habitats à maintenir sont les pelouses et landes d’altitude…
Et l’on sait que « Les hautes chaumes et leur cortège végétal diversifié ne peuvent subsister qu’au moyen d’un pâturage extensif, traditionnel, avec une charge animale légère et des apports en fertilisants ou amendements très limités » (Formulaire Standard des Données, https://inpn.mnhn.fr).
La cueillette elle-même soi-disant réglementée et strictement contrôlée par le Parc ne peut être ignorée dans les causes de l’effondrement de la ressource. En effet, les grands laboratoires récoltent les plantes entières, en arrachant donc les plants, racines comprises, alors que les cueilleurs “artisanaux” se contentent des capitules, ne remettant donc pas en cause la floraison de la plante l’année suivante. Sur le site (on devrait dire l’ancien site) du Treh, il est aisé de constater en 2022 que les rares plants en fleurs censés, toujours selon le Parc, ré-ensemencer la chaume annoncent leur fin prochaine. Les amendements agricoles devenus la coutume, des quotas de récolte trop élevés et l’arrachage des plants ne permettent pas le renouvellement de la ressource. Tout le monde sait cela, sauf le Parc !
Résultat : le site de cueillette “exemplaire” des Hautes-Vosges est aujourd’hui déserté par les laboratoires qui ont épuisé la ressource sous le regard bienveillant du PNRBV. Weleda s’est tourné vers la Roumanie et travaille à une « gestion durable » avec le WWF, ce qui a donc échoué dans les Vosges … Ce sont les petits cueilleurs locaux qui se trouvent aujourd’hui pénalisés par cette gestion !
Pour résumer, l’observation des talus de la route des crêtes révèle qu’ils sont plus riches en arnica que les prés où se pratiquait la cueillette !
Les zones inaccessibles aux tracteurs sur ces mêmes prés confirment le constat ci-dessus, de l’impact complémentaire des pratiques agricoles.
Dans les zones non pâturées (espaces protégés), les talus des routes, les pâtures extensives, 2022 est une année où la floraison ne présente aucune anomalie, et est même souvent très abondante.
Le recul de l’Arnica traduit donc surtout de funestes mutations à l’œuvre qui menacent les Hautes-Vosges et doit nous alerter. Et en premier lieu, les garants institutionnels du maintien de ces habitats et espèces uniques pour le Grand-Est et l’Union Européenne.
Enfin, on apprend au milieu de cette tentative de travestir la vérité, indigne de de la direction du Parc, qu’elle envisage de créer une filière de cueillette de myrtilles sauvages, dans le but de mettre en place une valorisation durable d’une ressource locale. Halte au feu, la réglementation récemment mise en place dans les Vosges, protège correctement la ressource tout en permettant la cueillette pour la consommation familiale. Que le Parc mette ce projet à exécution et il n’y a plus de myrtilles dans 5 ans !
D’autant que les fauchages et cueillettes par des équipes clandestines perdurent et que de surcroît
l’extension des près de fauche par broyage des plans de myrtilles continue !
Le 11 juillet 2022, SOS Massif des Vosges